Nos Vieux
L’été s’est terminé avec des colos d’un autre âge, une grande première car celles-ci étaient jusqu’à présent réservées à la jeunesse.
Mais la sœur Arousiag n’étant jamais en peine d’innovations, elle a cette année proposé aux personnes âgées qu’elle accueille dans un centre de jour d’aller prendre l’air de la montagne une semaine. Quelle opportunité pour ces personnes dont le dénominateur commun est de partager une grande solitude et une grande pauvreté! Chaque jour de l’année, ils reçoivent ainsi 3 repas, des soins médicaux, une douche et s’enrichissent d’une vie communautaire qui les maintient en forme.
Sur la trentaine de personnes âgées fréquentant la maison de retraite, une quinzaine de vaillantes dames et un honorable monsieur, ont poussé la porte de la colo de Tsaghkatzor… eux, l’altitude? même pas peur !
Au programme : prière, gymnastique au son de la « Macarena » bien sûr, flâneries dans le parc, jeux de baggamon, café à l’ombre en dégustant des glaces, couture, lecture, chants, danses, bavardages, sans oublier les petites sessions de remise en forme grâce à Hervé, notre oncle ostéopathe venu de Paris et devenu nouvelle coqueluche de ces dames !
Alors on voudrait vous les raconter “nos vieux”, vous dire ce qu’ils nous ont offert.
Ils sont émouvants nos vieux avec leurs grands sourires édentés et leurs yeux brillants, si désireux de contact, cherchant à nous faire plaisir à nous qui sommes là pour eux. Et quand ils nous gratifient en français d’un chaleureux “ bonjour camarade ! ”, c’est l’éclat de rire général chez les francophones présents. Car enfin, il faut dire que ces hommes et ces femmes sont nés et ont passé la majorité de leur existence sous un régime soviétique toujours bien ancré en eux, comment pourrait-il en être autrement? Ils sont pour nous une page d’histoire vivante que nous voudrions déchiffrer.
Ils sont beaux nos vieux, avec leurs visages sur lesquels le temps a laissé son empreinte. « Le temps, ce sculpteur, qui réussit parfois si bien les têtes de vieux. »
Nous devinons que le temps n’a pas été le seul sculpteur et les conversations laissent parfois entrevoir les regrets et les souffrances : maris décédés, enfants partis en Russie et qui ne sont jamais revenus….
Mais pourtant ils sont joyeux nos vieux lorsqu’ils se mettent à danser sur un air d’ici. Et dans l’air frais du soir, au rythme de leurs voix qui parfois chancellent, il règne un air d’éternité.
Car ils sont sages nos vieux, les années leur ont appris à ne rien plus attendre ni d’hier ni de demain. Tout se joue aujourd’hui.
